

Zoom libraire
24/10/2018
Il est difficile de passer devant la Librairie Oxygène sans la remarquer. Située dans un immense bâtiment blanc, ses grandes vitrines permettent en un coup d’œil de savoir où l’on arrive : le paradis du livre. Depuis 1999, Guy PIERRARD tient la « Librairie Oxygène » dans cet ancien garage reconverti en commerce. Rencontre avec un libraire/presse amoureux des livres et Président du Luxembourg pour Prodipresse.
Bonjour Guy, comment êtes-vous arrivé dans le monde de la presse ?
Guy PIERRARD : Bonjour Colin, j’ai commencé mon activité de libraire/presse fin 1999. J’étais alors dans l’enseignement et un jour j’ai décidé de me lancer. À plusieurs reprises, j’ai essayé de reprendre un commerce, mais cela n’a jamais été jusqu’au bout. Finalement, j’ai créé une librairie/presse de toute pièce dans mon garage que j’avais hérité de mon père.
Je m’étais déjà fait la réflexion qu’il manquait une librairie vendant les livres à Neufchâteau. Il y avait bien quelques commerces qui avaient des bouquins, mais ils se cantonnaient aux livres scolaires et au Top 10 des ventes. J’ai donc fait le choix, dès le début de mon activité, de vendre des livres. D’ailleurs, les quinze premiers jours après que j’aie ouvert, je n’avais que des livres dans mon magasin !
Combien de références différentes de livres avez-vous ? Et qu’en est-il des autres produits que vous commercialisez ?
Guy PIERRARD : Actuellement, je dirais que je propose entre 6500 et 7000 livres différents. Parmi ceux-ci, j’ai notamment des ouvrages d’auteurs et éditeurs régionaux, comme Weyrich. C’est évidemment beaucoup plus que la presse pour laquelle j’ai 900 références, dont 500-600 en rayon permanent.
Au niveau des autres produits, je propose bien évidemment ceux de la Loterie Nationale, mais pas depuis le début du magasin puisque j’ai seulement commencé à vendre des billets de Lotto en 2004. Toujours au niveau des paris sportifs, j’ai une borne Ladbrokes.
Sinon du « classique » avec de la confiserie, des boissons, quelques jeux de société, de la papeterie, des vins de caviste, des ouvrages touristiques comme le Guide du Routard, du chocolat d’un chocolatier renommé ou encore des bandes dessinées. Mon point de vente a l’avantage d’être juste en face des arrêts de bus où de nombreux étudiants reprennent les moyens en transport pour rentrer chez eux après les cours donc la confiserie fonctionne plutôt pas mal.
Je complète cette offre de produits avec des petits coups de cœur. Pour l’instant, par exemple, ce sont des petits lutins suédois pour lesquels j’ai l’exclusivité en Belgique.
Vous nous avez parlé de la presse et du jeu, mais pas de tabac…
Guy PIERRARD : Je n’ai jamais vendu de tabac dans ma librairie/presse, c’était une volonté depuis le début. Après tout, ma librairie s’appelle Oxygène !
Plus sérieusement, quand je me suis lancé, il y avait déjà sept magasins qui vendaient du tabac ou des cigarettes et je voulais gagner ma place. De plus, il y a eu beaucoup de vols de cigarettes pendant la nuit quand la France a augmenté ses prix. Dix-sept magasins ont été « visités » dans la région dont le mien, mais sans succès pour les voleurs.
Revenons un instant sur votre point de vente. Aujourd’hui, il fait 160m², mais vous n’avez pas commencé directement avec autant d’espace ?!
Guy PIERRARD : En effet, au début j’ai débuté dans un commerce de 40m². Comme je le disais, il s’agit d’un ancien garage donc la surface totale du bâtiment était bien assez grande que pour me permettre d’agrandir mon espace de travail.
Le premier agrandissement a eu lieu en 2003-2004 et le second, plus récent, a été effectué en 2016. La seconde fois, j’ai pu bénéficier d’aides de la province suite à une enquête dans la région avec un pack pour la rénovation de quatre commerces du Luxembourg.
Un gros avantage de ma librairie/presse, c’est que comme le bâtiment est un ancien garage, il bénéficie d’un grand parking et la place située en face de mon commerce peut facilement accueillir jusqu’à 80 voitures parquées. C’est un gros plus indéniable pour les clients.
Quels sont les effets que ces agrandissements ont eus sur votre commerce et votre clientèle ?
Guy PIERRARD : Au début, les clients sont toujours un peu chamboulés, car ils avaient leurs petites habitudes. Mais ils sont également curieux de découvrir ce que vous avez changé.
Depuis le dernier agrandissement, j’ai gagné un certain public, mais j’en ai également perdu un autre. Cela a un peu bougé, mais c’est toujours le cas en fonction des produits que vous proposez ou de l’endroit où vous les mettez dans votre magasin.
Dans mon cas, par exemple, j’ai bougé de place les rayons « bien-être » et « psychologie » en les remettant à l’avant de mon commerce, tandis que les livres des éditions Weyrich prenaient leur place au fond. Eh bien cela a donné des meilleures ventes !
Vous êtes présent sur Internet et les réseaux sociaux, pensez-vous que ce soit important, voire obligatoire pour un commerçant d’être présent « en ligne » de nos jours ?
Guy PIERRARD : Tout à fait. Je pense que c’est une belle opportunité pour accroître sa visibilité et aller chercher des clients qu’on n’aurait peut-être pas attirés autrement.
Pour ma part, j’ai un site de la librairie/presse sur lequel je mets systématiquement à jour les dernières nouveautés livres. Sur Facebook, j’ai une page au nom de la librairie/presse sur laquelle je mets en avant un produit différent par jour comme un livre, une revue, etc.
Cela fonctionne plutôt bien puisque j’ai des réservations via ce canal. Si je devais quantifier les retours, je dirais que j’ai minimum trois retours sur sept publications. Au final, cela ne me prend pas beaucoup de temps et c’est réellement utile pour mon commerce.
« En tant que libraire/presse, il faut garder un lien avec son corps de métier au maximum. »
En plus d’être libraire/presse, vous êtes également membre de Prodipresse et Président du Luxembourg. Pourquoi trouvez-vous important de vous investir dans cette organisation professionnelle ?
Guy PIERRARD : Concernant Prodipresse, mon avis est assez tranché : nous pratiquons un métier dans lequel il nous faut une organisation qui nous rassemble face à tous les gens « en face » (fournisseurs, Gouvernement, AFSCA, etc.). Il faut quelqu’un qui te représente, qui puisse défendre tes intérêts.
Quand tu es tout seul, tu peux t’en sortir, mais cela n’est jamais facile. A contrario, quand on est un gros groupe de libraires/presse, tu vas avoir un impact.
Et puis, on voit aussi l’utilité de nous rassembler au travers le groupe Facebook « Prodipresse Pro » sur lequel on peut se poser des questions et se répondre les uns les autres. Sans oublier les autres outils comme le Prodipresse Magazine, la résolution des requests, etc.
Je suis persuadé que Prodipresse est bénéfique pour tout le monde. D’ailleurs, c’est avec une telle organisation que l’on peut avancer sur le métier et réfléchir plus loin, par exemple en ayant des avantages comme un label qui permettrait de différencier encore un peu plus nos commerces des « fausses » librairies/presse et autres magasins vendant les mêmes produits que nous.
Y a-t-il des spécificités propres au métier de libraire/presse dans la province du Luxembourg ?
Guy PIERRARD : Personnellement, je ne ressens pas la concurrence du Grand-Duché du Luxembourg, mais je profite du pouvoir d’achat un peu plus élevé de certains clients. De façon plus globale, nous vivons dans une province qui abrite beaucoup de petits villages sans commerce, c’est malheureusement typique du Luxembourg.
Et cela rejoint d’ailleurs ce que disait mon collègue Pascal PIRON, libraire/presse à Arlon : « Au niveau du Luxembourg, les villages se vident et deviennent des « villages-dortoirs » où les petits magasins ne sont plus utiles, à moins d’ouvrir le soir quand les gens rentrent du travail. Il y a une vraie perte du potentiel de clients. » Je partage totalement son avis sur ce point.
Sinon, ce n’est sûrement pas spécifique au Luxembourg, mais plus à l’endroit où je me situe. Durant les vacances, il y a pas mal de stages dans les environs donc j’ai des clients qui restent une semaine ou qui lisent beaucoup. Cela permet de compenser la perte des clients habituels.
Avez-vous des projets futurs pour votre librairie/presse ?
Guy PIERRARD : Concernant l’avenir de ma librairie, je n’ai plus de grand projet. Aujourd’hui, mon commerce fait une taille suffisante pour mes activités. L’essentiel est là. Je veux que mon commerce ait un lien avec les livres et la librairie/presse au niveau des produits. Je ne veux pas faire de la concurrence envers mes clients en commençant à vendre des articles comme des foulards par exemple alors que j’ai plusieurs clientes dont c’est la source principale de revenus.
Je pense qu’en tant que libraire/presse, il faut garder un lien avec son corps de métier au maximum. À chacun son métier.
Comment voyez-vous l’avenir du réseau ?
Guy PIERRARD : Comme plusieurs de mes collègues l’ont déjà dit, je pense qu’il va encore y avoir une perte de points de vente pour différentes raisons. De nos jours, il est difficile de reprendre un commerce. Cependant, cela ne veut pas dire que la presse est morte. Loin de là ! Regardez le livre dont on annonçait la mort avec Amazon, les liseuses, etc. Cela a fait du mal, mais le livre est toujours debout. En Belgique, le numérique fonctionne certes pour les journaux et quotidiens, mais pas du tout pour les revues. Le papier est donc bel et bien toujours en vie.
Interview réalisée par Colin CHARLIER pour le Zoom libraire du Prodipresse Magazine n°82