Zoom libraire

 15/08/2018

Les derniers enfants ont rejoint leur classe et Marc BAREK peut un peu souffler : être situé à proximité de quatre écoles ce n’est pas de tout repos. Pourtant, ce libraire/presse bruxellois préfère tirer le positif de chaque situation. D’ailleurs dans son magasin il ne travaille pas, il s’amuse ! C’est virevoltant d’un client à l’autre, tantôt en français, parfois en néerlandais ou encore en arabe, qu’il tient sa librairie/presse depuis dix-sept ans. Et ce, toujours dans la bonne humeur et la zen attitude.

 

Bonjour Marc, comment êtes-vous devenu libraire/presse ?

Marc BAREK : Bonjour Colin, à la base j’étais complètement parti dans autre chose puisque j’ai fait des études de technicien. Puis, en sortant des études, j’ai commencé à restaurer des meubles anciens. Cela me plaisait énormément, mais après vingt-quatre ans, j’ai eu envie d’autre chose. J’ai alors décidé de reprendre une librairie/presse en 2001. Je voyais cela un peu comme un challenge.

Bien sûr, j’ai commencé par suivre des cours de gestion pendant un an et durant les trois premières années, je n’ai pas touché le moindre salaire. Les débuts étaient difficiles donc j’ai préféré tout réinvestir dans le magasin.

 

Parlons un peu de votre librairie/presse : on sent qu’elle a un esprit bien à elle.

Marc BAREK : Tout à fait, j’irai même plus loin en affirmant que c’est une vieille librairie/presse qui a une âme.  Quand vous entrez pour la première fois, vous êtes tout de suite frappé par l’odeur de bonbons qu’il y flotte !

C’est une librairie/presse de quartier et pas de centre-ville et j’ai voulu garder cet aspect. Bien sûr, j’ai effectué quelques petites transformations.

Par exemple, j’ai tout repeint dans des tons plus clairs. Et ce, tout en travaillant.

 

Vous parliez des bonbons, avez-vous développé certains produits en fonction de votre clientèle ?

Marc BAREK : Bien sûr ! L’ancienne propriétaire vendait surtout beaucoup de magazines, mais aujourd’hui, avec la perte de la presse j’ai adapté les produits que je vends. Je propose toujours des journaux et magazines avant tout pour dépanner les clients. Mais soyons honnêtes, je gagne plus sur les cigarettes et les bonbons.

J’ai donc décidé de développer mon offre de bonbons, car je me trouve à proximité de quatre écoles et il y a des arrêts de bus sur le même trottoir que moi. Les enfants passent donc très souvent dans mon magasin. C’est également pour cela que vous voyez que je propose beaucoup de jouets pour les enfants : des ballons, des pistolets à eau, etc. Ce que j’organise également, c’est des échanges de vignettes Panini durant l’année avec eux. Sincèrement, je pense que sans les enfants, ma boutique serait fermée. Et puis avec eux tu sais à quoi t’en tenir : s’ils n’aiment pas quelque chose, ils vont te le dire directement. Il faut garder son âme d’enfant !

 

Que proposez-vous d’autre comme produits ?

Marc BAREK : Au niveau des autres produits, je vends pas mal de cigarettes. La technique, c’est de voir qui t’offre les meilleures marges et de ne pas hésiter à séparer tes achats. Moi par exemple, j’achète mon tabac à un endroit et mes cigarettes chez un autre. Après, comme je suis Bruxelles, tu peux toujours en trouver des cigarettes pas chères, mais je préfère ne pas m’y risquer, car il faut toujours se méfier des gens qui viennent te trouver en te disant qu’il leur reste dix fardes à bon prix que tu vas revendre facilement.

J’ai également les colis via Kariboo. On m’a proposé d’être Point poste, mais quand je vois les soucis que j’ai eus avec d’autres opérateurs de colis je préfère ne pas m’y risquer. De plus, je trouve que cela n’est pas rentable par rapport à la place que je devrais allouer aux colis dans mon magasin.

J’ai bien évidemment les produits de la Loterie Nationale. Cela fonctionne pas mal, mais ce qui nous tue avec la Loterie, c’est le nombre de points de vente. Rien qu’ici sur la chaussée il y a dix magasins qui vendent des produits de la Loterie Nationale. C’est difficile de toujours augmenter ses ventes.

Au niveau des bornes de paris sportifs, je trouve que c’est un amène misère. Des gens viennent parfois y blanchir de l’argent. J’ai une seule borne, mais ce sont surtout des habitués qui jouent dessus. Tenez l’agence Ladbrokes juste à côté, ils se sont fait braquer plusieurs fois et il y a déjà eu des bagarres. Je ne veux pas de ça chez moi. On m’a proposé d’ouvrir une salle de jeux dans ma librairie/presse, mais je ne pense pas que cela soit une bonne idée.

Enfin, je propose aussi un service de photocopies. J’ai l’avantage qu’il n’y en a plus dans le quartier, mais c’est plus du dépannage qu’autre chose. Je ne gagne pas beaucoup dessus.

 

Revenons un instant sur les clients, on sent qu’ils sont très importants pour vous !

Marc BAREK : Je connais peu de libraires/presse qui vous diront le contraire. Ma philosophie c’est d’être positif au maximum. Les clients me boostent véritablement. D’ailleurs, je dis souvent que je ne travaille pas, mais que je suis chez moi. La preuve, c’est que derrière mon comptoir, j’ai une salle avec ma table, ma cuisine, ma télé, etc. !

Et puis il y a tout un jeu avec le client. Déjà, ma porte est toujours ouverte. Cela aide les gens à entrer et je peux aussi les apostropher si j’en vois que je connais qui passent devant ma librairie/presse. Une fois que le client est à l’intérieur, c’est à toi de jouer ! Il vient pour jouer au Lotto ? Vends-lui autre chose en même temps.

J’estime avoir un très bon contact avec les clients. Je m’amuse même avec eux ! Le plus important, même si tu as des soucis, c’est de ne pas les faire rejaillir sur les clients. Ils ne sont pas là pour entendre tes problèmes et mon but c’est qu’ils ressortent toujours de ma librairie/presse avec le sourire.

 

Est-ce qu’être libraire/presse à Bruxelles c’est différent d’ailleurs ?

Marc BAREK : C’est difficile à dire. J’imagine qu’il doit y avoir quelques différences, notamment de clientèles selon la ville et la province dans laquelle vous vous trouvez. Personnellement, je trouve qu’il y a surtout une différence entre les librairies/presse de centre-ville et celles de quartier. Comme je l’ai dit au début, ici c’est une librairie/presse de quartier. Il y a un véritable effet de petit village et une ambiance de quartier. Tout le monde se connaît, tout se sait très vite. Et puis j’ai aussi la chance d’avoir mon chien qui aide à se sentir en sécurité quand on en a vraiment besoin.

 

Quels sont vos projets pour le futur de votre librairie/presse ?

Marc BAREK : Projet, c’est un grand mot ! J’ai déjà soixante ans donc je n’en ai pas de grand en chantier. Idéalement, je pense que j’aimerai vendre plus de jouets, d’articles cadeaux et de nourriture-snacks, car c’est ce qui marcherait le mieux avec ma clientèle d’enfants et de jeunes. Ils passent le matin avant les cours, sur le temps et midi et aussi en fin de journée avant de reprendre le bus ou de rentrer chez eux.

J’ai également la possibilité d’ouvrir mon magasin derrière le comptoir pour agrandir la surface de vente.

Et pourquoi ne pas mettre des tables à l’extérieur pour l’été et y vendre des crêpes, des petits gâteaux, etc.

 

Vous êtes membre de Prodipresse, que pensez-vous de cette organisation professionnelle ?

Marc BAREK : Je suis membre depuis longtemps chez Prodipresse. J’ai même été assez impliqué au sein de l’organisation à un moment, mais j’avais l’impression que rien n’aboutissait. À l’époque, j’allais « démarcher » des collègues libraires/presse, mais j’ai surtout rencontré des gens assez fermés.

Ils voyaient un peu Prodipresse comme un phare : tu savais que Prodipresse était là, mais tu avais l’impression qu’il n’y avait aucun recours.

Aujourd’hui, cela a changé avec l’engagement de l’équipe des permanents. Prodipresse s’implique plus ou en tout cas obtient plus de résultats et surtout communique dessus. Je trouve que c’est une très bonne chose et j’espère que cela va continuer pendant longtemps !

 

Comment voyez-vous l’avenir du métier de libraire/presse ?

Marc BAREK : Je ne suis pas négatif, mais je pense qu’il faudrait se spécialiser dans le choix de la presse. Aujourd’hui, les gens lisent l’actualité sur leur téléphone ou en diagonale. Le mieux serait de se lancer dans les livres et les magazines spécialisés (comme ceux sur le golf par exemple), mais il faut évidemment connaître son sujet.

Pour moi, les magazines people ne servent plus à rien, on peut tout trouver sur internet. C’est pareil pour la cuisine et le jardinage. La presse en elle-même est en train de mourir. De façon générale, j’ajouterai également que les gens sont un peu timides. C’est vite chacun chez soi. Il faudrait plus d’échanges.

 

Avez-vous une petite anecdote pour terminer ?

Marc BAREK : Comme tous mes collègues libraires/presse, je pourrais vous en raconter un sacré nombre ! Mais comme vous m’en demandez une seule, je vais choisir la fois où un polar se déroulant à Bruxelles est paru.

J’en avais vendu une vingtaine de livres « La Main » et un jour, un client est entré dans ma librairie/presse et qui travaillait dans le monde des médias. Je lui ai demandé pourquoi il n’en faisait pas une série. Et bien, il a contacté la RTBF avec avec les deux auteurs du livre et il va être adapté en série télévisée !