

Zoom libraire
14/06/2018
Pour ce Zoom libraire, Prodipresse a décidé de pousser la porte de la Librairie des Faubourgs, située à au centre d’Arlon dans la province du Luxembourg. Derrière une façade d’apparence plutôt classique se trouve un point de vente tout en longueur. Sur la gauche, un long comptoir accompagne presque les clients jusqu’au fond de la librairie/presse. Sur le côté droit, un linéaire presse qui coure tout le long du mur. Bienvenue dans le plus gros point de vente Lotto de toute la Belgique !
Bonjour Pascal, pouvez-vous présenter et expliquer votre parcours de libraire/presse ?
Pascal PIRON : Bonjour Colin, la librairie/presse chez nous c’est une affaire de famille ! Au départ, c’est mon papa, alors grossiste en tabac, qui a décidé d’ouvrir cette librairie/ presse en 1976. J’ai tout naturellement commencé à l’aider avant de reprendre sa succession il y a trente-cinq ans.
Au début je travaillais seul, mais au bout d’un moment, vous avez besoin d’aide sinon votre santé vous lâche. Actuellement, nous sommes deux à temps plein et nous avons un étudiant qui vient nous donner un coup de main le samedi. Mon fils vient également m’aider de temps en temps. Je pense que c’est un gros avantage de travailler en famille.
Dès votre vitrine, on aperçoit des articles de Carnaval (masques, confettis, déguisements). Avez-vous développé des produits spécifiques en fonction de votre clientèle ?
Pascal PIRON : Cela fait quelques années que j’ai décidé d’adapter les produits que je propose par rapport aux différentes saisons et aux fêtes, notamment celles de fin d’année. D’ailleurs, à cette période, nous vendons désormais des feux d’artifice.
Au Carnaval, comme vous l’avez vu, nous avons aussi des masques et des déguisements. Cette année, nous allons proposer un assortiment de produits liés à la Coupe du Monde (écharpes, drapeaux, etc.). Lors du dernier Euro de football, nous avions installé une table devant la librairie/presse avec des produits estampillés Diables Rouges et cela marchait plutôt bien. Cependant, de façon générale, le souci avec ces produits c’est qu’il s’agit de revenus faciles donc tout le monde s’y met et vous perdez votre « exclusivité ». Cela explique pourquoi je prends désormais moins de ces produits. Et puis il y a aussi le problème de la disparition des petits fournisseurs chez qui vous pouviez avoir des prix et vous réapprovisionner plus facilement.
Concernant les paris sportifs, j’ai fait le choix de mettre en concurrence plusieurs opérateurs. Cela m’amène une clientèle différente de celle des agences, donc ces clients ne vont pas rester trois heures devant l’écran. C’est un produit qui fonctionne bien en termes de revenus et de clients, mais ce n’était pas facile à démarrer. J’ai fait le choix de mettre des écrans d’ordinateur et pas des bornes de paris sportifs, car je trouve que le contact client et le conseil sont plus faciles sous cette forme-là.
Par rapport aux autres services proposés, nous avons un grand nombre de titres de presse, ce qui nous permet d’avoir des revues spécifiques. Nous faisons aussi un peu de réservations et de commandes. Nous avons une boîte aux lettres TBC Post, mais nous ne sommes pas satisfaits du système des recommandés chez eux. En plus de cela, nous sommes point UPS, Mondial Relay et Kariboo.
Au niveau des livres, nous avons juste les best-sellers que nous mettons au comptoir et qui partent assez vite et nous travaillons avec des éditeurs locaux comme Weyrich.
Vous êtes actuellement le plus gros point de vente Lotto de toute la Belgique. Comment en arrive-t-on là ?
Pascal PIRON : Je crois que notre gros point fort c’est notre régularité. Au début, j’organisais de temps en temps des cagnottes pour les tirages de la Loterie. Maintenant, c’est quasiment tout le temps. Les clients m’appellent même pour me demander quand aura lieu la prochaine cagnotte ! Mais j’aimerais ne pas trop en faire. Je veux garder des gens qui ont le plaisir de venir chez moi.
Ce qui m’a aussi boosté, c’est le fait d’avoir eu deux gros gagnants (ndlr : plus d’un million d’euros) en dix ans. Et puis, je me trouve aussi dans une région où les clients ont un pouvoir d’achat plus élevé qu’ailleurs.
Vous avez pourtant d’autres librairies/presse pas très loin de chez vous. Et le Club d’Arlon vend des produits de la Loterie Nationale. Cela ne vous fait pas de tort ?
Pascal PIRON : Non, car je pense que chacun a sa clientèle habituelle. Concernant cette ouverture de nouveaux points Lotto, j’ai un avis assez tranché. Dans notre région du Luxembourg, il n’est pas rare d’avoir des villages où le/la libraire/presse a mis la clé sous la porte et où il n’y a plus de possibilité d’acheter un billet de Loterie à moins de prendre sa voiture et de faire quelques kilomètres pour aller à la ville la plus proche.
Il m’est arrivé de voir des gens entrer dans ma librairie/presse et me dire que l’indépendant de leur village a fermé et qu’ils songent à s’abonner au Lotto via internet pour ne pas devoir faire des longs trajets à chaque fois qu’ils veulent jouer.
Dans ces cas-là, je comprends que la Loterie rouvre un nouveau point Lotto en dehors d’une librairie/ presse. Cependant, je ne suis pas pour l’installation d’un point Lotto dans une zone où il en existe déjà un ou deux. Cette solution ne me semble pas utile. D’ailleurs, j’ai peur de l’utilisation que la Loterie fait d’internet.
Vous craignez le numérique de façon générale ?
Pascal PIRON : Sincèrement, oui. Aujourd’hui, on ne nous attend plus ! Si tu n’es pas là, si tu n’ouvres pas à l’heure ou que tu n’as pas les journaux, les clients vont sur leur smartphone voir l’actualité et tu rates le coche.
J’ai quand même créé une page Facebook pour ma librairie/presse au bout de quelques années, notamment sur les conseils de mon représentant de la Loterie Nationale. Il m’a conseillé de partager les gros gains obtenus dans mon commerce.
Nous alimentons aussi notre page avec les paris sportifs. Cependant, je trouve dur, voire impossible, de quantifier le réel impact des réseaux sociaux. Nous avons un peu plus de 2.000 likes sur notre page, mais quand nous publions nous avons une dizaine de personnes qui like ou partagent la publication. Et en librairie/presse, il n’y a pas forcément plus de passage.
En tant que libraire/presse, vous êtes affilié à Prodipresse. Pour vous, est-ce important d’être membre d’une organisation professionnelle ?
Pascal PIRON : C’est même très important ! Parmi les gros avantages, je retiens surtout les documents mis à la disposition des membres, comme les Fiches Techniques par exemple. Prodipresse remplit un rôle très important, car en tant que libraires/ presse, nous n’avons pas le temps de tout faire et Prodipresse nous aiguille. L’organisation peut également fournir un suivi juridique quand il y a des problèmes. C’est un vrai plus.
Bien sûr, il y a toujours des choses sur lesquelles on aimerait avancer. Par exemple, je rêve d’une solution pour les encyclopédies qui permettrait d’échanger entre collègues des numéros qu’un(e) de vos client(e)s vous a demandé parce qu’il lui manque. Donc si jamais vous trouvez une solution un jour, je suis preneur !
Avez-vous des projets futurs pour votre librairie/presse ?
Pascal PIRON : J’en ai au niveau de l’aménagement de mon point de vente. À l’entrée de mon magasin, j’aimerais enlever les nombreuses armoires que j’ai et aménager le coin confiserie et boissons en quelque chose de plus cocooning. Au fond de ma librairie/presse, il y a le coin jeu que je souhaiterais également améliorer pour bénéficier de plus de place et avoir un endroit mieux défini.
De façon générale, j’aimerais me créer une demande de produits spécifiques (produits bio, chocolat, etc.) mais cela demande un gros travail de vente et de conseil. Je ne veux pas me lancer dans l’inconnu.
Comment voyez-vous l’avenir du réseau dans le Luxembourg et de façon générale ?
Pascal PIRON : Au niveau du Luxembourg, les villages se vident et deviennent des « villages-dortoirs » où les petits magasins ne sont plus utiles, à moins d’ouvrir le soir quand les gens rentrent du travail. Il y a une vraie perte du potentiel de clients. La solution serait peut-être de décaler ses horaires d’une heure, car nous sommes en décalage par rapport à la vie du monde moderne. Je ne suis cependant pas encore prêt à le faire.
De façon générale, l’avenir qui nous attend est bizarre, mais je reste optimiste, car le nombre de librairies/presse se stabilise. Il y a eu un gros boom à un moment, les gens levaient leur volet en pensant que cela allait être facile. Ce sont ces libraires-là qui ont fermé boutique, car ils n’ont pas compris que quand vous devenez libraire/presse, vous prenez les bons comme les mauvais côtés. C’est un peu une vocation. Actuellement, on revient à une situation plus normale en termes de nombre.
Une solution est de se diversifier, mais plus on le fait et plus on perd nos origines. L’idéal est de trouver le bon créneau, son créneau, qui va rapporter et de travailler des produits que l’on aime. Sans oublier le contact avec les gens qui nous sauve aujourd’hui et dans le futur. Personnellement, je m’amuse encore énormément dans ce métier !